La France soumise à l’examen du Comité des droits économiques, sociaux et culturels.
(France under review by the Committee on Economic, Social and Cultural Rights).
Après le débat sur la discrimination linguistique au Parlement Européen le 1er juin, les représentants du Réseau Européen pour l’Égalité des Langues (ELEN, European Language Equality Network), le Breton Tangi Louarn et l’Occitan Alexis Quentin, sont intervenus aux Nations unies à Genève dans le cadre du quatrième rapport périodique de la France au Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Ils ont présenté leur rapport alternatif concernant la non reconnaissance réelle par la France de la diversité des langues de son territoire en insistant sur les discriminations ancrées dans les institutions et que subissent leurs locuteurs, notamment Alsaciens, Basques, Bretons, Catalans, Corses, Occitans ainsi que les locuteurs de langues régionales de Guyane, Guadeloupe, Martinique, Mayotte, La Réunion, Polynésie, Nouvelle Calédonie.
Ainsi, en 2014, ELEN avait déjà transmis au défenseur des droits Jacques Toubon, un rapport sur les discriminations que subissent les enfants locuteurs de langues régionales, à l’occasion du 25e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant, par exemple dans l’éducation, la difficulté à obtenir la mise à disposition de locaux pour les écoles associatives en immersion ; dans la télévision publique, la part plus que dérisoire des émissions en langues régionales ; dans la vie publique les blocages concernant le bilinguisme de la part de l’État; le refus de co-officialité français/langue régionale opposé aux instances démocratiques élues comme en Corse.
Au cours du “dialogue” entre les membres du Comité et les nombreux représentants de l’État, cette question des droits culturels et notamment linguistiques ont pour la première fois occupé une place centrale et récurrente. Les membres du Comité qui examinent la France ont considéré que les réponses de la France étaient tout-à-fait insatisfaisantes. Ils s’étonnent que la modification constitutionnelle qui fait des langues régionales un patrimoine de la France (article 75-1) ne crée aucun droit ni aucune liberté que la Constitution garantit. Ils s’interrogent sur la lecture restrictive de droits que fait la France concernant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ils soulignent enfin le rapport du 1er mars 2016 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) qui constate la carence de la France qui ne reconnait pas encore la discrimination linguistique. Ils soulignent que la langue est partie prenante du droit de chacun de participer à la vie culturelle qui comporte le droit des minorités à parler leurs langues et à les développer.
Aux réponses de la France qui se contente de recenser diverses initiatives particulières dans l’éducation ou les médias, dans l’ensemble des territoires de métropole et d’outre-mer et les évolutions législatives récentes, les experts du Comité opposent le principe selon lequel la question des langues ne relève pas seulement de la sauvegarde du patrimoine, mais qu’il est question de droits humains fondamentaux qui ne peuvent éludés par des considérations “d’unité et d’indivisibilité de la République”. Ils s’inquiètent de voir la France s’éloigner de l’esprit des droits de l’homme et aller à l’encontre des dispositions du Pacte. Ils ont rappelé la doctrine du Comité selon laquelle “la défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la personne humaine, et qu’elle fait partie des droits humains”. Ils soulignent encore que le dialogue sur l’application du Pacte n’est pas un exercice formel, mais que l’État a l’obligation d’appliquer directement les principes du Pacte dans son action politique quotidienne. Tout en le regrettant, et rappelant leur attachement à la France, ils ont ajouté que la France qui refuse de reconnaître sa diversité culturelle faisait une erreur stratégique et historique et que ces demandes légitimes risqueraient de s’exprimer d’une autre façon.
Pour ELEN, les délégués au Comité économique et social des Nations Unies, Tangi Louarn (Kevre Breizh) et Alexis Quentin (Institut d’Estudis Occitans).